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Promaslist présente: Workwear, un style français pr Frédéric Martin-Bernard

Des nouvelles marques contemporaines et accessibles optent pour une fabrication hexagonale, redynamisant des traditions et savoir-faire qui étaient parfois appelés à disparaître.

FRÉDÉRIC MARTIN-BERNARD

“Si vous voulez changer le monde, commencez par changer de   slip!” lançait Guillaume Gibault en 2011. Le jeune diplômé de HEC Paris maitrisait l’art du marketing et des phrases chocs. Il avait également un goût pour l’entrepreneuriat. Et une volonté de fer de relancer le made in France en commençant par des sous-vêtements pour homme, baptisés Le Slip Français. Douze ans plus tard, son label bleu-blanc-rouge ne cesse pas de rencontrer le succès. Il s’adresse également aux femmes depuis quelques saisons, et propose un dressing de prêt-à-porter quasi complet pour s’habiller de la tête aux pieds. Le tout, façonné dans l’Hexagone par des façonniers indépendants qui ont su perpétuer et préserver leurs savoir-faire malgré les crises successives et la concurrence du grand import à bas prix

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Si loin, si proche

Cet argument d’une fabrication locale a rapidement séduit des consommateurs. A l’époque, si on parlait déjà de "circuit court" dans des secteurs comme l’alimentation, il était encore loin d’en être question dans le textile-habillement. La tendance était plutôt à la multiplication des collections, des éditions, capsules et autres collaborations. Et puis il y a eu, en avril 2016, le drame du Rana Plaza à Dacca (Bengladesh) qui a levé le voile sur les conditions de travail déplorables des petites mains de la fast fashion à l’autre bout du monde. Suivi, en 2000, du Covid-19 qui a imposé le port du masque, bloqué les importations au long cours et mis en exergue que la France, pays de la haute couture et du prêt-à-porter de luxe, n’avait plus le personnel ni les usines pour en produire en nombre. Au pic de la pandémie, cette incapacité nationale a marqué les esprits. Tellement que, trois ans plus tard, en mars 2023, Guillaume Gibault vient de réaliser la plus grande levée de fonds jamais enregistrée sur le site de financement participatif lita.co – très exactement 2242 investisseurs pour un total de 3,58 millions d’euros -, pour monter sa propre unité de fabrication qui s’appellera Les Ateliers du Slip.

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Soutenir et relancer des savoirs-faires

Thomas Huriez est également un fervent défenseur du made in France depuis dix ans. Avec ses jeans griffés 1083 – comme la distance en kilomètres qui séparent les deux villes les plus éloignées de l’Hexagone, à l’intérieur des frontières duquel sont fabriqués 100% des modèles de sa marque -, il a su alerter le grand public sur les métiers et savoir-faire du textile-habillement qui étaient en passe de disparaître et, pas à pas, constituer sa propre chaîne de production de pantalons à cinq poches. En parallèle à ces marques mono produit qui se sont développées grâce à internet, aux réseaux sociaux et au e-commerce, d’autres labels plus mode se sont également créés et ont misé sur une fabrication locale sans en faire leur axe principal de communication. « Depuis 12 ans et les débuts d’Arpenteur, nos collections sont réalisées en France » , explique Laurent Bourven, cofondateur avec Marc Asseily de ce label lyonnais de style néo-sportswear. Et de se souvenir : « Nous avions en tête que tout touriste aime rapporter des produits fabriqués localement lorsqu’il voyage, que la mode est une spécialité française qui perd de sa substance lorsqu’elle n’est pas fabriquée sur le sol national, que notre pays comptait naguère une véritable industrie du prêt-à-porter masculin… Aussi, nous avons cherché à être proches des personnes qui fabriqueraient nos modèles, à visiter et à connaître leurs ateliers, à faire perdurer des traditions et des savoir-faire particuliers. »

Arpenteur

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Des fabricants choisis et chevronnés

Deborah Neuberg de la marque De Bonne Facture cherche également à s’entourer et à valoriser le bel ouvrage de spécialistes depuis 2013. Elle préfère d’ailleurs parler de « made by » plutôt que de « made in » bien qu’une grande majorité de ses collections soit fabriquées à l’intérieur du pays. « Le « made in » n’est pas un indicateur suffisant pour juger de la qualité d’un produit. On trouve tous les niveaux de qualité au sein de l’industrie française, tout comme en Chine et dans n’importe quel autre pays. C’est pourquoi je préfère mettre en avant chacun de mes ateliers partenaires. Je souligne leurs savoir-faire, une patte spécifique, des façons et des traditions parfois liées à leur région ou bassin industriel » explique la Parisienne qui fait appel, par exemple, à des fabricants du Tarn pour ses pièces à manches en laine, ainsi qu’à des spécialistes bretons du pull marin pour ses hauts en maille. Hugues Fauchard et Rémi Bats, les deux designers qui se cachent derrière la marque Uniforme, s’appuient également sur l’expertise d’ateliers en régions pour réaliser leur dressing d’essentiels néoclassiques. En 2000, ces deux Parisiens ont d’ailleurs quitté la capitale pour s’installer du côté de Nantes, et ainsi se rapprocher de façonniers de l’Ouest et des Pays de la Loire qui étaient naguère un bassin du prêt-à-porter masculin.

De Bonne Facture

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Qualité et intégrité

« Nos modèles sont entièrement fabriqués en France mais on ne le souligne pas, reprend Laurent Bourven chez Arpenteur qui réalise 80% de ses ventes à l’export. Nous avons beaucoup de retours positifs sur la qualité de nos produits. Ils sont fabriqués par des spécialistes dénichés dans différents bassins avec des traditions particulières en textile-habillement. Quelque part, cette qualité est liée au made in France. Mais le revendiquer haut et fort ne correspond pas à l’esprit de notre marque et, surtout, cela n’est pas suffisamment différenciant pour développer un business à long terme. Le style, la coupe, les matières, la confection, les finitions doivent être avant tout à la hauteur pour fidéliser des acheteurs. » Deborah Neuberg dit aussi que « la mention de l’origine de la fabrication ajoute du charme aux vêtements, mais que ce n’est pas une information qui pèse dans la décision d’achat. » Alexandre Clary, le propriétaire de l’entreprise C2S qui a relancé le label Kidur en 2018, fait le même constat.  « Le made in France n’est pas un critère majeur, c’est juste un atout supplémentaire. Nous privilégions donc la mise en avant de notre histoire de marque, de nos savoir-faire et de notre usine de Courlay. Ce côté authentique plaît beaucoup au Japon et en Corée du Sud. Ces marchés aiment notre intégrité, la cohérence entre ce que nous avons été et ce que nous sommes, notre côté label de fabricant qui maîtrise parfaitement son activité. »

Kidur

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Fabricants depuis plusieurs générations

Spécialisé dans les vêtements de travail depuis 1921, le fabricant Kiplay a également eu l’idée, en 2016, d’une ligne Kiplay Vintage pour le grand public dans la vie de tous les jours, s’appuyant sur ses savoir-faire perpétués et une longue expertise dans le workwear. Deux ans auparavant, Julien Tuffery avait commencé à réveiller la marque de jeans à son nom de famille, en vantant les savoir-faire d’un l’atelier spécialisé dans le denim depuis son arrière-grand-père. « Au-delà du made in France, les clients veulent aujourd’hui des articles de qualité, fabriqués de façon raisonnée en se souciant de l’environnement » , observe le jeune dirigeant qui s’apprête à agrandir ses ateliers de Florac dans l’Aveyron et, progressivement, à augmenter ses capacités de production dans les mêmes proportions. « Le produit Tuffery étant joli, et l’entreprise hyper clean, nous avons souvent été sollicités par des acheteurs étrangers. Malheureusement, nos capacités de production étaient limitées. Désormais, nous allons pouvoir y répondre. Nous commençons à avoir des revendeurs au Japon. Les acheteurs professionnels aiment que l’on soit à la fois moderne, authentique, écologique, artisanal, familial… » Le succès à l’international étant au rendez-vous car, encore une fois, le « made in France » ne se contente pas de cocher une seule et unique case.

Tuffery

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