Les marques écoresponsables de vêtements pour le week-end, les loisirs et les sports en plein air se multiplient, créées par des jeunes entrepreneurs français, passionnés et passionnants.
FRÉDÉRIC MARTIN-BERNARD
A l’instar des monstres de scène, New Man se relance sur l’automne-hiver 2022-2023. Dans les années 2000, puis 2010, la marque phare des années 1970 avait déjà tenté plusieurs come-backs en s’entourant de stylistes chevronnés. Aujourd’hui, elle revient avec une stratégie différente, hors des sentiers battus du sportswear traditionnel pour les vacances ou le week-end. Normal, le secteur a considérablement évolué au cours des dernières années, à la fois challengé par des nouveaux labels écoresponsables et par des consommateurs de plus en plus soucieux des questions d’environnement. Qui plus est lorsqu’il s’agit de s’habiller pour évoluer, se détendre ou crapahuter en pleine nature.
De l’outdoor à la
Ainsi, New Man revient sans ressortir les best-sellers de ses grandes années. « Nous nous sommes plongés dans les archives, explique Emmanuel Assouline, directeur des opérations du Groupe Sun City qui a racheté la marque en 2018. Certes, il y a un héritage fort autour de certains produits comme le pantalon, autour de la couleur et de la qualité… Mais nous avons surtout noté que le mouvement, la liberté, le sport étaient gravés dans l’ADN de la griffe. Nous avons cherché à croiser ces valeurs avec les aspirations actuelles du marché. Depuis quelques années, il s’agissait de consommer moins, de consommer mieux. Aujourd’hui, il y a un véritable boom des préoccupations écoresponsables. En parallèle, on assiste à une transformation du cœur des villes. Les déplacements à vélo sont privilégiés par les citadins. Les sports et les activités en plein air ont le vent en poupe… Notre idée pour New Man est de transposer les codes de l’outdoor et des sports actifs dans un dressing urbain.» La marque s’est entourée de quelques ambassadeurs – Sylvain Trail, champion du monde de trail, Stéphane Tourreau, vice-champion du monde d’apnée, ainsi que Marc Sich, fondateur du magazine et du concept store Steel spécialisé dans le cyclisme… - afin de faire passer le message auprès d’un public dans la force de l’âge, et non pas vers les jeunes générations comme (trop) souvent l'initient les marques aspirant à une seconde jeunesse. « Nous ciblons les quadragénaires et leurs aînés, poursuit Emmanuel Assouline. Des hommes qui ont pu déjà être en contact avec New Man par le passé et qui, aujourd’hui, sont des consommateurs avertis, sûrs de leurs choix, avec des exigences de confort, de qualité et de durabilité pour leurs tenues de loisirs. »
New Man
Des nouvelles marques qui montrent
De nos jours, toute marque sportswear doit faire preuve de préoccupations écoresponsables. Longtemps, Patagonia fut la seule du secteur à réellement se soucier de son impact sur l’environnement. Mais depuis quelque dix ans, des nouveaux labels comme le français Picture Organic Clothing percent dans son sillage, créés, développés et défendus par des jeunes gens convaincus qu’il est possible de concevoir autrement des panoplies techniques pour le plein air. Au départ en 2008, Picture proposait surtout des tenues pour le ski et les activités sportives en haute montagne. Cet automne, la (plus si) jeune entreprise d’Annecy rebondit sur son succès, étoffe ses gammes et arrive, elle aussi, en ville avec une ligne supplémentaire intitulée - Urban Tech - qui transpose ses codes de l’outdoor en altitude sur le macadam urbain. Le tout façonné dans des matériaux biosourcés, recyclés afin de ne pas épuiser les ressources naturelles. En parallèle, elle consolide la durabilité de ses produits en lançant un service de réparation à vie. Ils étaient déjà garantis pendant deux ans contre d’éventuels vices de fabrication. Désormais, Picture s’engage à réparer les vestes et les pantalons techniques, les gilets intermédiaires, les blousons polaires et les sacs à dos quand leurs coutures, zips, boutons, velcros ou encore cordons présenteront des signes de fatigue à l’usage. Hopaal, une autre jeune marque française de sportswear avec une approche écoresponsable, indique vouloir proposer, elle aussi, un semblable service de réparation à partir de l’année prochaine. Elle planche également sur un principe de consigne afin d’inciter les clients à lui retourner ses anciens modèles qu’ils ne souhaitent plus porter. « Nos vêtements préservent la planète » clame le site marchand de cette entreprise de Biarritz. En 2021, 88,3% de ses tissus en collection étaient déjà à base de matériaux recyclés.
Picture Organic Clothing
Tout revoir dès la
« Les tenues que nous aimions porter pour faire du sport et se ressourcer en plein air étaient tramées de fibres dégradant l’environnement. Il y avait un non-sens, quelque chose qui n’était pas du tout écologique », se souvient Maugan Peniguel, cofondateur avec Nathan Vitu en 2018, du label Nosc, acronyme de Natural Outdoor Sport Clothing. Leurs premiers modèles pour différentes activités étaient en polyester recyclé. Aujourd’hui, ils lancent des tenues de yoga tramées d’une fibre à base d’huile de ricin, mise au point après deux ans de recherches avec des experts. De même, sont proposés des « sous-pulls » à base de ce même bioplastique qui évacue l’humidité et régule la chaleur corporelle tout au long de l’effort sportif. « Notre objectif est de sortir de la dépendance du pétrole dans l’outdoor », insiste Maugan Peniguel qui s’est improvisé sans formation ni bagage en habillement, juste par passion pour le sport, la nature et l’environnement. Quatre ans plus tard, Nosc est déjà distribué dans une trentaine de boutiques multimarques mêlant mode et sport, ainsi que sur des plateformes spécialisées et son propre site e-commerce.
Nosc
Le
un cas d’école à lui seul
Nombreux sont aussi les labels de pantalons à cinq poches, créés par des autodidactes qui veulent (surtout) changer les façons de faire du secteur du denim. Thomas Huriez et sa marque 1083 - comme la distance entre les deux villes les plus éloignées de France -, plaident depuis 2013 pour une fabrication locale de A à Z, raisonnée et en circuit court. L’année suivante, c’était Julien Tuffery qui délaissait son poste de cadre à Paris pour reprendre l’atelier familial de jeans, en activité depuis 1892 à Florac, et éviter que le savoir-faire du plus ancien des fabricants français ne disparaisse. Depuis, la petite entreprise des Cévennes ne connait pas la crise. Cet automne, Atelier Tuffery noue une jolie collaboration avec la marque Saint James. En parallèle, l’entreprise travaille au développement de nouveaux denims à base de laine et de chanvre cultivés en France, en remplacement du sempiternel coton qui pousse à l’autre bout du monde et réclame beaucoup trop d’eau.
Atelier Tuffery x Saint James
Non loin de là, à Nîmes, il y a aussi Ateliers de Nîmes qui s’emploie à rénover le tissage comme d’antan de la toile de jeans que d’aucuns disent originaire de cette ville. Jadis, ce denim était fabriqué à partir d’un fil retors qui avait malheureusement tendance à se rompre un peu trop souvent. Des ingénieurs se sont penchés sur la question dans les années 1950. Et d’avoir suggéré de le remplacer par un fil encollé beaucoup plus résistant… et polluant. « L’emploi d’un fil retors permet d’économiser 60% d’eau dans la fabrication de la toile », pointe Clément Payen, associé à Guillaume Sagot et Anthony Dubos dans cette entreprise de relance d’un savoir-faire artisanal. « La technique demande de l’attention, elle coûte plus cher… mais elle est authentique », poursuit celui qui officie comme directeur artistique de la marque nîmoise, aujourd’hui référencée dans plusieurs boutiques ainsi que grands magasins comme Le Printemps et La Samaritaine à Paris.
Ateliers de Nîmes
En septembre 2022, le label Sème a également vu le jour, suite à une campagne de financement participatif autour d’un projet de pantalon à cinq poches en toile de lin qui serait 100% fabriqué en France, de la culture de la fibre à la confection du modèle en passant par les étapes intermédiaires de tissage, de teinture et, surtout, de filature de la fibre libérienne qui avaient totalement disparu de l’Hexagone jusqu’à très récemment. Un pari un peu fou porté par Agathe Schmitt, avec le concours de plusieurs entreprises spécialisées – Emanuel Lang, Velcorex, Kiplay, etc -, dans des anciens bassins français du textile-habillement. La campagne de financement auprès du grand public a fait mouche et atteint 1200% de l’objectif initial… Formidable preuve que le marché du sportwear est plus que jamais en quête de produits avec du sens, Sème a depuis complété ses gammes avec une chemise blanche, une veste et un pantalon en velours qui sont également fabriqués en France.
Sème