Nous avons suivi Arthur Robert, créateur de la marque Ouest Paris entre janvier et avril de cette année. Un début d'année un peu fou, rythmé notamment par une première fois au Pitti Uomo et une première présentation dans le calendrier officiel de la semaine de la mode parisienne. En trois temps forts, Arthur raconte sa vision et explique la dynamique de cette jeune marque qui en seulement deux ans s’est taillé une place dans le paysage mode français.
Arthur Robert reçoit dans son bureau-atelier rue Bichat. Le créateur de la jeune marque française, originaire du Sud-Ouest, marie depuis 2022 l’énergie surf et skate de sa région à celle, plus brute, du grand Ouest américain. Concrètement, un pantalon double knee de travailleur, des straps de cow boy, du denim (beaucoup), des pièces en cuir. Mais réinterprétés par ce trentenaire qui a fait ses armes chez AMI, ces classiques sont revus à la hausse, tant en termes de qualité qu'en termes d'allure. Les coupes sont amples, les ornements et détails fourmillent, comme cette veste en denim type 2 débarrassée de la martingale, plus droite. « J'aime bien l'idée de chercher à définir un iconique sans regarder vers le passé », appuie Arthur Robert, en dépliant un jeans paré d'un grand rabat qui évoque un kilt. La saison s'annonce particulièrement déterminante pour Ouest. Dans quelques jours, il s'apprête à partir avec sa collection Automne-hiver dans des valises pleines à craquer pour le Pitti Uomo, le grand raout florentin de chaque début de saison. « Notre première fois là-bas, on nous en a beaucoup parlé, on a hâte d'y être, il faut juste que les derniers protos arrivent avant notre départ », sourit Arthur. Ensuite, pas le temps de souffler : pour la première fois, Ouest Paris présente sa collection dans le calendrier officiel. Deux défis en une seule saison. « Ça va être intense, mais c'est une chance. »
Il n'est pas même pas dix heures du matin. Les boutiques du quartier ouvrent à peine leurs portes. S'il n'y avait pas les looks des gens de la mode qui trainent devant la vitrine, impossible de se douter que ce concessionnaire automobile du 7è arrondissement abrite aujourd'hui un évènement officiel du calendrier de la semaine de la mode masculine. Mais dès le hall avec ses voitures neuves et ses canapés en cuir, la musique met la puce à l'oreille. En passant la porte du fond, la scène se dévoile : en contrebas de l’arrière-salle, au pied d'un escalier en verre, des mannequins plus ou moins vêtus se déhanchent sur de la musique de club. « Quand on est une petite marque, et que les moyens ne sont pas illimités, il faut se débrouiller. J'ai eu vent de ce plan par un ami d'ami, et c'était parti ! » explique Arthur Robert, ravi de l'ambiance et de l'énergie du moment. C'est une des difficultés des fashion weeks parisiennes en 2024, le calendrier est tellement plein à ras bord, qu'il faut redoubler d'inventivité pour exister. Pendant les deux bonnes heures de la présentation, les visiteurs (nombreux pour une première) viennent se mêler, amusés, aux clubbeurs du petit matin et les images offrent quelques secondes d'attention supplémentaires dans les feeds hystériques de la semaine. Première réussie donc, pour Ouest et Arthur Robert. D'autant qu'il exposait aussi sur le Sphère durant cette semaine (le créateur et sa marque sont soutenus par la Fédération de la Haute Couture et de la Mode). Quelques jours plus tôt, à Florence, après 3 jours de Pitti Uomo bien remplis (il y était invité par le salon et Promas, avec le soutien du DEFI), Arthur était déjà dans une bonne dynamique. « L'intérêt ce ne sont pas les ventes, il y en a eu peu, mais on a croisé beaucoup de gens qui n'ont pas forcément le temps à Paris, des gens de la presse ou de l'industrie. Ça nous a permis de faire découvrir la marque tranquillement, de nouer des connections, vraiment on a hâte de revenir en juin », se félicite le fondateur.
Presque deux mois se sont écoulés depuis la fashion week parisienne. L'heure d'un premier bilan de cette saison avec Arthur : « Le Pitti, la présentation, puis le salon Sphere à Paris, j'ai vraiment senti que ça nous a mis un vrai "push", les gens ont senti qu'on avait passé un palier, donc c'était vraiment une super séquence. On refait le Pitti en juin, et on a été reconduits dans le calendrier, donc c'est vraiment très positif. » Surtout, cette saison a validé les choix et le modèle posé par Arthur Robert et son associé. À savoir, axer dans un premier temps sur la vente en direct aux particuliers. « Les gros wholesalers ne vont pas très bien, les petites boutiques ne peuvent pas prendre de gros risques avec la conjoncture, nous au milieu de ça on est flexibles, on a une majorité de clients en direct, qui grossit organiquement, et on ouvre des comptes petit à petit », explique le créateur. La suite ? Arthur Robert a son idée : « On aimerait développer le wholesale, notamment à l'étranger. On est déjà bien implantés à Paris mais on aimerait trouver de nouveaux partenaires (department stores ou multimarques) ailleurs. Mais on va surtout continuer de pousser la vente en direct, et ça implique de faire plus en image et en marketing. » Tout mener de front quand on est à la tête d'une petite équipe et qu'on existe depuis seulement deux ans noircit l'agenda un peu plus vite que prévu, parfois. Mais Arthur Robert semble se sentir à sa place : « Bien sûr que c'est difficile, mais c'est tellement riche ».